Arnaud Belloni, directeur Gobal Marketing de la marque Renault
«Dans nos films publicitaires, je veux que la musique amplifie l’histoire»
Rencontré en marge de la présentation mondiale du Renault Kardian, le patron marketing monde de Renault s’est livré au jeu des questions-réponses sans filtre et avec tout le talent qu’on lui connaît dans sa discipline. Ce brillantissime marketeur nous donne sa vision sur les prochaines campagnes publicitaires de Renault. Un programme riche et intéressant.
Driverslife : Quel va être l’axe principal de communication sur le Kardian qui se veut un produit international ?
Arnaud Belloni : Il faut d’abord savoir que nous allons faire un seul film publicitaire mondial. Nous avons décidé de ne plus personnaliser les produits par pays. D’abord, parce que c’est un marketing d’un autre temps, puis surtout ça finissait par être extrêmement cher et ça ne rendait pas Renault très cohérent.
Nous allons bientôt tourner un film très dynamique. Euh, je ne peux pas vraiment vous en parler. Ce que je peux vous dire, c’est que nous avons un bon storytelling pour ce film publicitaire qui racontera une histoire, en montrant des scènes urbaines avec des vrais gens, dans la vraie vie et qui aura pour but de rajeunir la cible. Je ne vous en dis pas plus, je préfère garder mon secret…
Ce retour fréquent vers la musique eighties ou rétro dans les films publicitaires, va-t-il se poursuivre pour les prochains produits ?
En fait, je considère que la musique est tout aussi importante que la photographie, que l’acting, que le réalisateur et que la voiture. Pour moi, c’est même un équipement de la voiture et un élément clé dans la communication. Si vous prenez un film moyen et que vous y mettez une musique incroyable, les gens vous disent «votre film est superbe». Alors ça, c’est pour les fainéants, mais pour moi qui suis un peu perfectionniste, je prends beaucoup de temps à travailler l’histoire du film et ça on l’a bien vu sur le spot des petites voitures électriques. En second lieu, il y a la lumière, en troisième lieu, le réalisateur et les mouvements de caméra, puis la musique. Alors la musique, il n’y a pas de dogme, on peut aller chercher un morceau électro-pop moderne, un truc de rap, en prenant par exemple Eminem ou Dr Dre, mais il va falloir y mettre le prix. Or, je pense qu’il n’y a pas de règles. Je suis prêt à payer cher parfois, tout comme je suis prêt à aller chercher un artiste inconnu, comme ce sera le cas pour le film publicitaire du Kardian.
En fait, il n’y a pas de temporalité. On essaye de faire en sorte que la musique soit contextuelle et c’est cela la règle. Quand on prend «Electricity» de Orchestral Manœuvres in the Dark sur le film des petites voitures électriques, c’est fait exprès, puisque c’est Electricity, c’est contextuel. Mais pour répondre à votre question, il n’y a pas de règle qui consisterait à dire : on prend toutes les musiques des années 80.
Pourquoi donc avoir choisi «Oh l’amour» du groupe Erasure pour la pub de la dernière Clio ?
Là aussi c’est contextuel et très réfléchi. En fait, la Clio, c’est plus de 16 millions d’exemplaires vendus dans le monde. Je pense qu’elle est, avec la 205, la voiture française la plus diffusée sur le globe. C’est énorme et comme cette Clio a inauguré la technologie full-hybrid dans la gamme Renault, nous avons pensé au slogan «l’amour reste, l’énergie change». Du coup, le choix de «Oh l’amour» d’Erasure devient contextuel et évident. Par exemple là, nous travaillons sur un nouvel utilitaire, et c’est un scoop que je vous donne, car nous allons l’annoncer bientôt. Et pour son film publicitaire, nous avons choisi une chanson de Phil Collins. Pourquoi, parce que ce film parle du vent et la chanson aussi, donc, là encore, c’est contextuel. En fait, on essaye toujours qu’il y ait un storytelling et on fait toujours attention à la musique que l’on met. Dans nos films publicitaires, je veux que la musique amplifie l’histoire.
S’agissant des prochains produits, est-ce qu’on pourrait s’attendre à voir autre chose que de la vidéo, de la BD ou de l’animation… quelque chose de nouveau dans l’approche marketing ? Du metaverse ?
Alors ça, des trucs nouveaux on en fait. Je pense que l’approche publicitaire fait que ce doit rester de la publicité. Cela dit, on utilise plusieurs dérivés des moyens actuels. Je vais te donner trois exemples. Outre le film publicitaire de la Clio avec le tube d’Erasure qui est un spot mondial, on va lancer autre chose. Ce que peu de gens savent, c’est que lorsque j’ai décidé de ce film, j’en avais un autre qui me plaisait et il est complétement fou. Comme la Clio est une voiture culte, iconique, mondiale, y’en a 16 millions de vendues dans le monde, c’est la reine des rues… on s’est donc dit, qu’on va opter pour la musique de la rue. Donc, j’ai donné carte blanche à un rappeur qui s’appelle Syla, il est Belge et c’est l’un des meilleurs rappeurs du moment, c’est un mec qui n’est pas raciste, que ne fait pas de la provoc’, qui est cool et qui écrit de très beaux textes, presque slams. Je lui ai dit : «tu m’écris la musique du clip-vidéo de la voiture et je te donnes juste une obligation, c’est que tu mentionne le mot hybride». Résultat, il a écrit un texte dans lequel, nous n’avons corrigé que 2 mots. Et une fois que l’on a pris son texte et qu’on l’a arrangé avec la musique, nous avons adapté le clip de 3 minutes à un format court pour le passer sur Instagram et Facebook et nous allons le lancer en décembre et tu verras que c’est génial, mais nous n’allons pas le lancer à la télé.
Deuxième exemple, au mois de décembre, nous ferons une conférence de presse pour annoncer que nous avons totalement changé l’Atelier Renault sur les Champs Elysées qui est actuellement en travaux et une fois que le projet sera finalisé, il sera possible, juste via un QR code, d’aller dans le metaverse et de découvrir ce que c’est. C’est un scoop que je te donne : ça ne s’appellera plus l’Atelier Renault, mais le Défilé Renault, car ce sera un cat walk, comme le Musée Guggenheim, sauf qu’au lieu de s’arrêter car il y a un toit, on pourra, grâce au metaverse, continuer à monter pour découvrir tout le musée Renault en virtuel et le visiter.
Troisième exemple, en France, il y a 100.000 bornes publiques, mais déjà 700.000 bornes chez les gens. Et on s’est dit : et si l’on mettait en relation les gens qui ont un véhicule électrique et ceux qui ont une borne. On pourrait alors imaginer, grâce à une application que les gens peuvent louer des bornes entre eux, lorsqu’ils sont loin de chez eux ou nulle part où il n’y a pas de borne publique pour recharger leur véhicule. Ben on a fait ça ! On a crée une start-up. Luca (NDLR : Luca de Meo), m’a dit «fais-le, c’est génial». Et ça, c’est extraordinairement techno, ce n’est plus du marketing, c’est du meta-marketing. Donc, oui, on fait cela, mais je ne le fais pas pour des campagnes de pub, parce que les campagnes de pub, faut que ça reste flamboyant et que ça touche ton cœur. Et je suis désolé, le metaverse, ça ne touche pas encore le cœur des gens.
Sur des prochains produits comme la R5 et la 4L qui sont quand même néo-rétro, quelle va être la stratégie de communication ? Ce sera plus du néo ou du rétro ?
Alors, déjà, je peut me permettre de vous reprendre, comme ça ce sera plus clair à expliquer à vos lecteurs. Le néo-rétro, c’était la Fiat 500, la Mini et la Coccinelle. Grosso modo, ils ont re-designé le passé d’une façon moderne et ils ont réussi. La R5 et la 4L, c’est plus rétro-futur, un peu comme l’ID Buzz. Je m’explique : elles ont des points clés en commun avec les anciennes, comme la forme des phares, le dessin du tableau de bord, tu verras, tu reconnaitras celui des années 70… Le seul truc, c’est que dans les deux cas, c’est bardé de technologies à l’intérieur avec par exemple, le système OpenR link opéré par Google qui permet de piloter la voiture par la voix, tu as un avatar dans la voiture qui pourra apparaitre sur l’écran ou être désactivé et à qui tu pourras parler et donner des ordres, tu auras aussi le V2G et le V2L donc tu vas pouvoir allumer un barbecue ou un sèche-cheveux à partir de la voiture, voire même réinjecter ton électricité dans la maison. Donc, la voiture n’est pas rétro et donc la pub ne le sera pas non plus. Le premier film sur la R5 est complétement dingue et très moderne avec un groupe électro français absolument culte et tu verras ce spot le premier décembre en France. En février et à l’occasion du Salon de Genève, le deuxième film sur la R5 sera présenté à l’occasion de la révélation de la voiture et on fera un teasing très puissant dans l’esprit des gens pour pré-vendre la voiture. Ensuite, il y aura un film publicitaire en septembre de l’année prochaine et pour l’instant, il n’y a pas de clin d’œil au rétro. En fait, on n’en a pas besoin (NDLR : de rappel rétro), car c’est acquis dans l’esprit des gens qui ont compris que la nouvelle R5 n’est pas une imposture et que c’est un réel hommage moderne à l’ancienne R5. Et pour la 4L, ce sera pareil et comme on a plus de temps, on fera quelque chose de très futuriste.